Boutique Saint Laurent Champs-Élysées, Paris, 2023 • © Saint Laurent
C’est un rêve qu’Yves Saint Laurent n’a jamais eu la chance de réaliser. Des décennies plus tard, le directeur artistique de la maison de mode, Anthony Vaccarello, accomplit son souhait, celui d’ouvrir une adresse Saint Laurent sur les Champs-Élysées. Un espace où la matière vient jouer le rôle d’écrin pour les créations du designer de mode.
À travers cette nouvelle adresse installée sur l’avenue mythique, c’est une esthétique propre à Anthony Vaccarello qui se manifeste. Célèbre pour ses silhouettes aux lignes rigoureuses, que l’on retrouvait encore récemment dans les collections masculines où le travail du tissu se voulait pour ainsi dire géométrique, l’esthétique Vaccarello s’imprime de plus en plus clairement depuis quelques années. Designer de la rigueur, il a manifesté son approche à travers le vêtement, mais pas seulement. L’architecture est en effet omniprésente dans son travail, se faisant cadre des présentations de ses collections et écho à ses silhouettes. Ces dernières années, le directeur artistique de Saint Laurent s’est démarqué en installant ses défilés dans des lieux forts, à l’architecture moderniste. La rotonde de la Bourse du Commerce pensée par Tadao Ando et la Neue Nationalgalerie de Berlin ont été le théâtre de ses deux présentations, tandis que la scénographie de son défilé Spring/Summer 2024 a été imaginée par Bureau Betak. Un univers visuel que Vaccarello qualifiait alors de kaléidoscope moderne au caractère minéral. Depuis plusieurs saisons, l’esthétique du designer infiltre avec élégance et rigueur l’écosystème de l’architecture et du design, les coupes de ses silhouettes se reflétant avec évidence dans les décors qui les accueillent. Lors des défilés, mais aussi dans une première boutique repensée par le directeur artistique en 2022 qui allait poser les jalons de l’espace retail des Champs-Élysées, affirmant la place de la maison de luxe dans l’univers du design d’intérieur.
C’est dans un immeuble haussmannien de l’avenue des Champs-Élysées que s’est installée la nouvelle adresse Saint Laurent rive gauche. Au premier regard, sa façade rénovée ne dévoile rien du projet d’envergure mis sur pied derrière ses murs. Mais une fois la porte d’entrée passée, c’est un univers à part entière, où le modernisme s’impose, qui se révèle. Entièrement pensée par Anthony Vaccarello, la nouvelle boutique qui se développe sur quatre étages se démarque immédiatement par son caractère monumental et ses lignes rigoureuses. Le foyer des plus imposants se déploie sur deux étages, ses hauts plafonds se faisant le réceptacle d’une œuvre d’art commissionnée pour la boutique, une sculpture en néon réalisée par l’artiste Cerith Wyn Evans. Le caractère commercial de l’espace se fait discret, l’adresse semblant plus faire écho au design d’un musée d’art qu’à celui d’un magasin de luxe. Par ailleurs, les œuvres d’art sont nombreuses sur les quatre étages, ne se limitant pas au foyer, et se voyant accompagnées de pièces de design imaginées par des figures emblématiques. En effet, la majorité du mobilier est signée Donald Judd, tandis que les pièces réalisées par Rudolph Schindler ponctuent elles aussi l’espace.
Un mélange sans distinction se fait alors entre art, design et mode, les vêtements dessinés par Vaccarello venant dialoguer avec ces nombreux éléments de décor, jouant souvent la carte du monumental. Pour présenter tenues, accessoires et bijoux, des étagères et présentoirs en bois et en marbre ont été disposés dans l’espace, conservant le caractère minimaliste des lieux et insufflant une rigueur géométrique à l’espace.
Les jeux de la matière
Dans l’univers minimaliste et moderniste imaginé par Anthony Vaccarello, le rôle de la matière se fait capital. Les lignes épurées et la géométrie de l’espace laissent toute la place aux matériaux pour exprimer l’identité du lieu qui s’applique à se jouer des contrastes, réduisant au minimum les éléments de décor pour conserver l’attention sur les vêtements et accessoires. Parmi les matières les plus utilisées, la pierre, sous ses différentes formes, est omniprésente. Si le caractère lisse et les motifs du marbre servent à présenter les créations de mode et d’accessoires sous la forme d’étagères et s’appliquent au sol de la majorité des espaces, la pierre se fait également rugueuse et texturée, rappelant les propriétés visuelles du béton. Une irrégularité qui s’affiche sur les murs, contrastant avec force face à la douceur du sol en marbre. Le contraste se fait maître mot du design de cette adresse, ne se jouant non pas des coloris, mais uniquement des textures. La gamme chromatique reste neutre, le gris dominant pour se faire occasionnellement interrompre par un élément bleu Klein ou jaune pâle, laissant libre cours à l’expression des pièces de mode exposées dans cet écrin. La matière est donc chargée de donner corps à l’espace. Au-delà de la pierre, le bois se fait second élément dominant. Il se retrouve dans des pièces de présentation, mais aussi dans le mobilier à l’image de la chaise en bois de Rudolph Schindler, avant de s’imposer dans une des pièces les plus monumentales de la boutique, son escalier. Réalisé en bois laqué de noir, il s’affirme par des courbes imposantes, créant un élément architectural répondant à l’échelle des lieux. La pierre et le bois entrent en dialogue sur les quatre étages de la boutique Saint Laurent, se voyant régulièrement perturbés par un élément réflectif, le miroir. Discret dans la majorité des espaces, il se fait œuvre d’art à part entière dans la suite VIP à travers une pièce circulaire monumentale déposée sur un tapis, côtoyant des éléments de mobilier aux lignes géométriques. L’essence Saint Laurent selon Anthony Vaccarello.
Année : 2023
Adresse : 123, avenue des Champs-Élysées, 75008 Paris
Design d’espace : Anthony Vaccarello
Design de mobilier : Donald Judd, Rudolph Schindler
Matériaux : pierre, bois
Surface : NC