La boule de Noël

Par Juliette Sebille

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KAKTUS, design by Mark Braun, 2024 © CIAV Meisenthal



Niché dans le massif des Vosges, un triangle d’or scintille : Lalique, Saint-Louis et Meisenthal. Un territoire où l’eau, le bois, le sable, les bruyères et fougères ont façonné la tradition des arts verriers depuis le XVe siècle. C’est ici, entre lustres et pampilles, que la boule de Noël est devenue une icône festive.

Tout commence en 1858. Cette année-là, une sécheresse prive les sapins de leurs pommes. Un verrier de Goetzenbruck, dans la région, a l’idée lumineuse de les remplacer par des sphères en verre soufflé. La boule de Noël conquiert le monde, s’émancipe du cadre domestique – en architecture, en publicité – avant de tomber dans l’oubli lorsque la verrerie met un terme à sa fabrication.

À quelques kilomètres, la verrerie de Meisenthal, qui a connu son apogée avec l’Art nouveau, subit, elle aussi, les effets de la mécanisation croissante. Avec sa fermeture, c’est toute une vie locale qui s’éteint. Qui aurait pu soupçonner alors, en cette fin des années 1960, que ce foyer créatif allait connaître un second souffle ?

Il faut attendre 1992 pour que le (link: https://ciav-meisenthal.fr/ text: Centre International d’Art Verrier (CIAV) rallume la flamme dans ce village mosellan de 700 âmes. En complément du Musée du Verre, il constitue une « moulothèque », conservatoire de 1500 moules anciens, et défie les créateurs contemporains au regard des gestes verriers traditionnels.

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Chaque année, un designer est invité à réinterpréter la boule de Noël, loin du folklore et des clichés. Certains jouent sur le détournement d’objets usuels : le Belge Nicolas Verschaeve a ainsi imaginé la sienne à partir d’un culot de bouteille, le Britannique Jasper Morrison s’est inspiré de la boule de pétanque, et le Français Philippe Riehling de l’ampoule électrique. D’autres portent un message écologique et prospectif : le designer allemand Mark Braun a conçu la boule Kaktus, inspirée du fruit du cactus qui, face au dérèglement climatique, pourrait un jour remplacer nos sapins. Enfin, d’autres stimulent l’imaginaire, comme l’Italien Italo Zuffi avec la boule Ovni.

Depuis 1999, 35 modèles à l’éclectisme joyeux ont vu le jour, produits sous la marque « Meisenthal-France ». Certaines pièces sont rééditées, d’autres attendent leur heure. Toutes sont façonnées selon des techniques séculaires – soufflage libre, soufflage tourné, soufflage fixe – et parfois sublimées par argenture, sablage ou gravure. La collection n’a rien d’anecdotique : en 2023, plus de 80 000 exemplaires ont trouvé preneurs, dont plus de la moitié pour la boule Stella, signée Jean-Simon Roch, écoulée en quelques semaines à peine. Le succès est tel qu’un quota par personne a dû être instauré !

Chaque hiver, 40 000 visiteurs se pressent à Meisenthal pour découvrir la création de l’année. Durables, symboliques, ludiques et décalées, les boules de Noël de Meisenthal sont devenues des collectors, que l’on s’arrache sur les plateformes de seconde main, et qui reflètent, à leur manière, un artisanat vivant avec son époque. •

photos : KAKTUS, design par Mark Braun, 2024 © CIAV Meisenthal • EXTRA VERT OLIVE, 2022 © CIAV Meisenthal • CUMULUS BLANC, design par Mendel Heit, 2010 © CIAV Meisenthal