La chaise monobloc

Par Juliette Sebille

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ICÔNE POPULAIRE EN MAL D’AMOUR
Son nom fait référence à une assise constituée d’un seul tenant et matériau, bien qu’il soit difficile d’en décerner la paternité. Déclinée et reproduite à l’infini aux quatre coins du globe, la chaise en plastique blanc a infiltré notre quotidien au point de provoquer l’overdose. En quelques décennies, elle est devenue au design ce que le tee-shirt en coton blanc est à la mode : un basique universel adapté à tous les contextes – dedans, dehors, avec ou sans accoudoirs – mais avec une étiquette cheap qui lui colle à la peau.

Bannie de certaines communes et autres établissements élégants, la chaise monobloc n’en demeure pas moins l’une des créations les plus populaires et vendues à travers le monde.

UNE CHAISE AU COEUR DES ÉVOLUTIONS INDUSTRIELLES
Pièce maîtresse du design, la chaise a connu bien des évolutions et des petites révolutions. Objet utilitaire par excellence – pour travailler, se reposer, se restaurer –, nombre d’architectes et designers l’ont réinventée au fil de l’histoire, tirant parti des méthodes de production plus récentes.

Si certaines sources attribuent la conception de la chaise monobloc au Canadien Douglas C. Simpson en 1946, dans le cadre d’un projet national de recherche visant à réutiliser les plastiques et le contreplaqué issus des technologies militaires de la Seconde Guerre mondiale, elle se heurte à une modélisation en série.

Ce n’est qu’avec les années 70 et l’apparition d’une nouvelle génération de polymères que le processus de moulage, d’abord développé pour le contreplaqué, le polyester armé de fibre de verre, ou la mousse de polyuréthanne, aboutit à la production de chaises monobloc en masse. Avec le passage au polypropylène, les assises nouvellement moulées par injection, selon un procédé ultrarationnel, se démocratisent.

UN DESIGN À LA CONQUÊTE DE TOUS LES ESPACES
Ironie du sort, l’année du premier choc pétrolier, le Français Henry Massonnet appose sa signature sur la chaise monobloc telle qu’on la connaît aujourd’hui avec un dossier ajouré de lignes verticales. Il conçoit par la suite d’autres déclinaisons, toutes fabriquées dans la société familiale des Massonnet, Stamp, implantée dans la Plastics Vallée à Oyonnax. À l’origine spécialisée dans les peignes, elle connaît un succès commercial retentissant avec le tabouret Tam Tam, lancé en 1968 et écoulé à plus de 12 millions d’exemplaires en cinq ans. Opaque, empilable, légère et facile à transporter comme le Tam Tam, la chaise monobloc est confortable et stable. Parfaitement lisse, l’eau de pluie glisse sur sa surface, de fait imperméable.

Bien après ses concepteurs, le design de la chaise monobloc continue d’occuper l’espace, résistant à l’épreuve du temps et des modes. Symbole de design accessible, elle incarne aussi les dérives de la surproduction industrielle. En 2025, elle pose en couverture du dernier album de l’icône de la musique latine Bad Bunny, entretenant rejet et fascination.

Alors que les enjeux écologiques imposent une nouvelle évolution des plastiques, elle pourrait bien retrouver ses lettres de noblesse avec les polymères d’origine végétale et d’autres sources renouvelables. •